(Maniwaki) Dimanche soir. Une équipe d’un peu plus de 150 pompiers sud-coréens a déroulé ses sacs de couchage sur la patinoire de l’aréna Gino-Odjick, à Maniwaki. Jamais des pompiers ne sont venus d’aussi loin. Leur mission : prêter main-forte pour combattre les incendies de forêt historiques du nord de la province.
Durant 48 heures, le bataillon de la Corée s’est familiarisé avec l’équipement et les techniques d’intervention du Canada. Un évènement sans précédent pour la petite municipalité de la Vallée-de-la-Gatineau.
La Presse a pu l’accompagner dans chacune des étapes.
Sur un rythme quasi militaire, le cortège coréen détonnait du patrimoine bâti de la rue Principale quand il a entamé sa marche en silence. Chemises d’un beige clair impeccablement repassées. Pantalons sans aucun pli. Bottes cirées. Aucune mèche de cheveux ne dépasse.
Après un copieux repas local de lasagnes gratinées, servies avec salade verte et dessert du terroir à l’érable, le convoi s’est rendu sous un soleil de plomb jusque dans les sentiers du parc régional des Trois Clochers. Durant la matinée, lundi, la « disaster relief team » coréenne avait reçu une première séance théorique avec l’appui d’une interprète.
Dans le parc local situé au croisement des rivières Gatineau et Désert, une poignée de pompiers de la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) a déployé tuyaux d’incendie, haches, pelles, gros coffres à outils de toutes sortes et pompes à essence. Richard Bilodeau est un pompier émérite du Québec. Dans les dernières semaines, il a encadré et formé des centaines de pompiers municipaux appelés en renfort.
Des techniques à apprendre
Au Canada, pour combattre un incendie de forêt, tous les pompiers doivent se soumettre au protocole du Centre interservices des feux de forêt du Canada (CIFFC). Une flamme, ça reste une flamme, mais les techniques pour l’éteindre varient d’une forêt à l’autre en fonction de plusieurs facteurs – sa source, l’équipement, la météo. Entre autres.
Cette fois, le pompier Bilodeau enseigne dans les moindres détails l’aspect mécanique de la pompe aux Coréens rassemblés autour de lui. Il y a Lee, il y a Shin, il y a Kim, ils écoutent. Il explique les manœuvres à respecter avant le démarrage. Les tiges à installer. Le pompier explique le système de raccordements canadien.
Au bout d’un autre sentier, la pompière Marie-Maude St-Cyr est venue de la base de Sept-Îles pour transmettre ses connaissances. Elle a déroulé plusieurs mètres de tuyaux au sol. Avec l’appui de quatre collègues venus du Nouveau-Brunswick, elle explique « l’attaque initiale » d’un incendie de forêt. Comment prendre le brasier par le flanc. Comment mener une progression dans les flammes, en largeur, également par-derrière. Les rudiments, selon les vents, les précipitations.
« Dans notre métier, on répète toujours que combattre un incendie de forêt est un art et une science », explique la coordonnatrice de la formation, Ysabelle Fiset, venue de Québec pour assurer le bon déroulement.
La gestionnaire explique qu’il faut entre cinq et dix ans pour devenir un pompier expérimenté, un chef de lutte. Les procédures et exigences physiques sont les mêmes d’une province à l’autre, précise-t-elle, en tendant des bouteilles d’eau.
« C’est une façon de redonner »
Joe Hyun Gue est directeur des opérations de la Corée. Le vol d’avion a duré 20 heures, il y a eu escale à Vancouver, mais c’est une grande fierté pour son pays de pouvoir se joindre à l’effort, dit-il. En Corée, les incendies de forêt sont fréquents, surtout au printemps, à cause de la sécheresse. Ses pompiers sont habitués. Là-bas, il y a également les forêts de pins, mais les épines sont plus petites.
« Le Canada est un pays allié. Chez nous, les gens se souviennent du soutien que nous avons reçu durant la guerre », ajoute-t-il, en faisant allusion à la guerre qui a déchiré la Corée entre 1950 et 1953, à laquelle plus de 26 000 Canadiens ont participé. C’est une façon de redonner. »
Nous sommes fiers, nous prenons cette mission vraiment au sérieux. On veut aider. Nos pompiers ont beaucoup étudié les procédures avant le départ, les différences dans les équipements. On veut faire une différence.
Joe Hyun Gue, directeur des opérations de l’équipe de pompiers de la Corée du Sud
Au pied d’un arbre, des Sud-Coréens ont déposé leurs chapeaux servant à se protéger du soleil. Chacun des chapeaux est brodé en jaune vif. Certains se protègent du soleil avec des masques fins en tissu. La prochaine formation consiste à apprendre trois techniques pour enrouler des tuyaux. Le chef de lutte Simon Bouchard enseigne comment accrocher le ballot à son équipement pour circuler en forêt.
Après le déjeuner, ce mercredi, les pompiers sud-coréens prendront le départ en autocar vers Lebel-sur-Quévillon. À proximité, trois incendies sont actifs depuis un mois. Ils sont « contenus », ce qui signifie qu’ils sont « stationnaires », mais pas pour autant « maîtrisés », précise-t-on à la SOPFEU.
« De la foudre, des éclairs », et tout peut repartir, résume la coordonnatrice Fiset.
L’équipe de la Corée permettra de donner du répit. Certains pompiers forestiers du Québec ont combattu les flammes 24 jours en ligne avant d’obtenir 4 jours de congé.