Connaît-on vraiment les tâches d’un pompier forestier au Québec? Les principaux concernés répondront : pas du tout. À la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU), il y a bien sûr des pilotes d’avions-citernes et d’hélicoptères, mais la très grande majorité du travail se fait sur le terrain. Du combat au nettoyage.

TEXTE ET PHOTOS PAR MARIE-CHRISTINE BOUILLON

PUBLIÉ LE 24 JUILLET 2023

6 juillet 2023, au camp Micoua, à plus d’une heure de route au nord de Baie-Comeau, en pleine forêt boréale sur la Côte-Nord.

Plus d’une centaine de pompiers, de combattants et d’experts de la SOPFEU logent ici, en rotation, depuis que trois feux se sont déclenchés dans le secteur au mois de mai.

Vers 5 h du matin, ils quittent les dortoirs pour aller déjeuner à la cafétéria.

Dans une heure, ils doivent être prêts à partir en forêt.

6 h du matin : l’équipe de gestion tient la rencontre de planification de la journée.

Tout y passe : les opérations aériennes et terrestres, la sécurité, les conditions météorologiques, la logistique, rien n’est laissé au hasard.

En plus des pompiers de la SOPFEU, les équipes qui seront déployées sur le terrain aujourd’hui comprennent des combattants qualifiés (personnes ayant suivi la formation de base de la SOPFEU), des soldats des Forces armées canadiennes et des membres de la marine américaine appelés en renfort.

Il n’est pas encore 7 h et il fait déjà chaud.

L'indice humidex sera supérieur à 40 en forêt aujourd’hui.

Le gestionnaire à la sécurité, le pompier new-yorkais Todd Lemieux, insiste : "Buvez beaucoup d’eau, prenez des pauses à l’ombre et, SVP, travaillez plus intelligemment, pas plus dur, aujourd’hui."

Le mot de la fin revient à la commandante d’intervention Mélanie D’Astous, la superviseure du camp Micoua.

« Moindrement que vous avez un signal que vous n’allez pas bien sur le terrain, avertissez votre chef d’équipe. C’est important. Ne soyez pas orgueilleux, parce que, sinon, ça va empirer. »— Une citation de  Mélanie D'Astous

7 h 15 : La cheffe d’équipe Mathilde Raulier se dirige vers l’héliport avec ses coéquipiers.

Objectif de la journée : rapatrier le matériel utilisé en forêt dans un des secteurs touchés par le feu 375.

Au camp Micoua, une dizaine d’hélicoptères servent entre autres au transport, dans les zones où il n’y a pas d’accès terrestre, de la patrouille aérienne et des équipes vouées à l’arrosage à l’aide de réservoirs héliportés souples.

Dès les premières minutes dans les airs, l’ampleur des ravages que les feux ont causés saute aux yeux.

Les flammes savent s’adapter au terrain qu’elles avalent.

Les pompiers forestiers appellent ça faire des doigts.

Comme si l’origine du feu était la paume d’une main, et les chemins sur lesquels il s’étend, des doigts.

Le feu 375 a brûlé environ 1800 hectares de forêt.

Même dans les secteurs comme celui-ci, où ne subsistent ni flammes ni fumée, les équipes doivent continuer de patrouiller à pied et dans les airs pour s’assurer que l’incendie reste éteint.

Des combattants de l’équipe de Mathilde et Joël viennent de rapatrier des boyaux d'incendie qui ont servi à l’extinction du feu 375.

Chacun des cinq membres de l’équipe doit traîner quatre boyaux de plus de 30 mètres dans la forêt escarpée de la Côte-Nord, sur une distance d’environ 1 km.

Mouillé, chaque boyau peut peser près de 7 kilos.

"On est allés complètement au bout du kilomètre. On ramène les tuyaux et on va les rouler ici. On aurait pu séparer le travail en deux parties pour faire un site d’extraction par filet, mais il aurait fallu apporter la scie mécanique et il n’y avait pas d’endroit vraiment dégagé pour installer l’hélico. Maintenant, on va essayer d’adapter notre cadence à la température." - Joël Ouellet, chef de lutte, stade deux, et pompier forestier depuis 10 ans.

Trois membres de l’équipe de Joël et Mathilde enroulent les boyaux à l’aide d’une manivelle, avant de les installer dans les filets de l’hélicoptère qui les ramènera au camp Micoua.

Le pilote Joffrey Thouin, la cheffe d’équipe Mathilde Raulier, l’agente à la prévention et aux communications Isabelle Gariépy, trois militaires du 22e Régiment et le chef de lutte Joël Ouellet prennent la pose devant l’hélicoptère.

Il est à peine 10 h et le mercure atteint déjà 36 degrés.

C’est à la base des opérations de Baie-Comeau que sont envoyés les boyaux d'incendie ramassés par l’équipe de Mathilde et Joël.

La majeure partie de l’équipement utilisé sur le territoire de la direction régionale de l’est de la SOPFEU est entreposée ici.

Les boyaux sales sont d’abord lavés avant de subir des tests d’étanchéité.

« Après avoir été nettoyés et testés, les tuyaux vont être installés sur le grand séchoir qu’on a derrière, pour les faire sécher au soleil. Une fois que c’est séché, nos employés les roulent en ballot pour être prêts à repartir sur un autre incendie. » — Une citation de  Isabelle Gariépy, agente à la prévention et aux communications pour l’est, SOPFEU

Les combattants qualifiés remplissent la boîte d’un camion avec 150 boyaux et 7 pompes, qui doivent reprendre la route vers la base de Micoua dans la journée.

Ce travail se répétera chaque jour afin de fournir aux équipes sur le terrain tout le matériel nécessaire pour dompter le brasier.

Écoutez le reportage de Marie-Christine Bouillon du 23 juillet 2023 : Le travail méconnu des pompiers forestiers